Après la révolution des bougies qui a permis d'envoyer l'ancienne présidente Park Geun-hye au fin fond d'une geôle pendant quelques années, de nombreux espoirs sont nés pour voir apparaître une nouvelle Corée, dirigée par un démocrate humaniste. Quel bilan pour Moon Jae-in après ses cinq années de mandat à la tête du pays ? Le président, qui n'a pas souhaité faire de conférence pour adresser ses vœux à la presse pour mieux se concentrer sur la réponse à apporter à la vague Omicron, s'est entretenu avec 8 agences de presse (Yonhap, AFP, AP, EFE, Kyodo, Reuters, Tass et Xinhua). En voici un court résumé.
1. Bilan de son mandat
Moon se félicite des accomplissements de son gouvernement : avoir fait de la Corée une des 10 premières nations du monde sur la base de considérations globales (l'économie, la défense nationale, les affaires étrangères, la culture, les soins de santé et les services médicaux).
Son administration a également inauguré l'ère des 30 000 dollars de revenu par habitant, un indicateur qui a même dépassé les 35 000 dollars l'an dernier. Pour un pays amoureux des chiffres et des classements, c'est une belle réussite. Après, dans la réalité de la société, c'est peut-être autre chose...
Le chef de l'État pointe 3 grands points, parmi les orientations stratégiques de la Corée pour l'avenir :
- le New Deal Coréen pour devenir une nation leader à l'ère post-pandémique.
- être les pionniers de l'ère de la neutralité carbone.
- les efforts visant à maîtriser la situation dans la péninsule coréenne et à institutionnaliser la paix ne doivent jamais cesser.
Au final, Moon aura qu'un seul grand regret : son incapacité à stabiliser les prix de l'immobilier.
2. La Corée du Nord
a. Pourparlers, accords et sommets
Avec la Corée du Nord, Moon estime que le sommet de Hanoi reste un "regret durable", mais il retient la déclaration de Singapour et souhaite atteindre les objectifs fixés. Il retient l'accord sur l'orientation de la politique nord-coréenne trouvé l'an dernier avec Joe Biden, une approche progressive et pratique et une solution par le dialogue et la diplomatie. "Si la Corée du Nord et les États-Unis reviennent à la table des pourparlers et des négociations, je m'attends à ce qu'un résultat plus avancé soit produit" souligne Moon.
Lorsqu'il est interrogé sur les récents tirs de missiles et l'échec de main tendue, Moon appelle à se souvenir de la crise du touch-and-go qui aurait pu dégénérer en guerre en 2017, lorsque le Nord a effectué un essai nucléaire et lancé des missiles balistiques intercontinentaux. Les pourparlers qui ont permis de surmonter une crise sans précédent sont, selon lui, un immense résultat, tout comme le premier sommet US-Corée du Nord ainsi que les trois séries de sommets intercoréens.
"Si la série de lancements de missiles va jusqu'à supprimer un moratoire sur les essais de missiles à longue portée, la péninsule coréenne pourrait instantanément retomber dans l'état de crise auquel nous étions confrontés il y a cinq ans" alerte-t-il. Il se félicite ainsi d'avoir contribué à faire évoluer la direction de la relation avec le Nord vers le dialogue et la diplomatie plutôt que vers la confrontation militaire et appelle les futurs dirigeants des pays concernés à poursuivre sur cette voie.
Moon reste ouvert à tout pour un dernier sommet avec le Nord avant la fin de son mandat, que ce soit en présentiel ou en virtuel, et sans conditions préalables. "Quelle que soit la méthode souhaitée par la Corée du Nord, elle sera acceptable."
b. Déclaration de fin de la guerre
A noter que sur la déclaration de fin de la guerre de Corée, dans laquelle Séoul s'est engagée, Moon indique que la Corée et les USA se sont mis d'accord sur le libellé de la déclaration de fin de guerre à présenter à la Corée du Nord. Même la Chine soutient cette déclaration. Mais il est conscient qu'il sera impossible de parvenir une déclaration avant la fin de son mandat. "Je voudrais au moins rendre les conditions mûres pour une déclaration de fin de guerre et transmettre cela à la prochaine administration" admet-il.
Concernant la stratégie américaine avec le Nord, Moon regrette que les pourparlers et les négociations ne se soient pas encore concrétisés depuis le début de l'administration Biden. "Le dialogue étant le seul moyen de résoudre les problèmes, une rencontre entre le président Biden et le président Kim devrait avoir lieu à terme. C'est juste une question de temps" espère-t-il.
3. Les alliances stratégiques : USA, Chine, Japon, Russie
a. Le bilatéralisme
Depuis le sommet Moon-Biden, l'alliance a passé une nouvelle étape et est devenue une "alliance globale compréhensive", qui ne se limite plus aux questions sécuritaires mais intègre les questions économiques (comprendre l'immense contrat signé sur les semi-conducteurs avec Samsung, entre autres).
Avec la Chine, Moon rappelle qu'au début de son administration, les relations étaient tendues mais qu'elles ont été remises sur la bonne voie leur permettant même de progresser. 2022 est une année importante car elle marque le 30e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Il souhaite que la prochaine administration poursuive le partenariat stratégique avec son voisin, une coopération mature et tournée vers l'avenir tout en revitalisant davantage les échanges et la coopération dans de vastes domaines.
Concernant l'autre voisin, le Japon, Moon estime que son administration a travaillé dur pour faire avancer les relations Corée-Japon de manière stable en adoptant une approche qui sépare les questions liées à l'histoire entre les deux pays de la coopération bilatérale de fond. La tâche s'annonce dure pour le prochain gouvernement, mais les efforts diplomatiques pour résoudre les problèmes en suspens doivent se poursuivre sur la base d'un consensus public.