Corée du Sud : Qui se suicide ?

02 avril

Société – Ce weekend, les journaux télévisés des grandes chaînes coréennes couvraient le fait qu’une personne avait été sauvée du suicide après qu’elle ait utilisé un téléphone d’urgence sur l’un des nombreux ponts de la capitale, lieux propices aux suicides avec presqu’une tentative de suicide tous les deux jours sur la période 2006-2010 (un total de 892). Un fait-divers qui peut paraître anodin, mais qui prend tout son sens lorsque l’on sait que la Corée du Sud détient le triste record du pays où l’on se suicide le plus dans l’OCDE : 31,2 personnes sur 100 000 se sont suicidés en 2010, contre 26 deux ans auparavant et 7,3 dans les années 90. Plus de 40 personnes se suicideraient chaque jour en Corée à en croire les statistiques, un taux de décès 2,3 fois plus élevé que celui des accidents de la route. Du coup, depuis samedi 31 mars 2012, une nouvelle loi est entrée en vigueur : elle oblige les collectivités à créer des centres de prévention au suicide partout dans le pays et à installer davantage de téléphones d’urgence. Le ministère de la santé aura également pour obligation de renouveler son plan national anti-suicide tous les cinq ans.

Les suicidaires : qui, quand, pourquoi ? D’après les statistiques, les femmes se suicident plus qu’avant : 1 853 cas en 1996 contre 5 237 en 2010, soit un taux multiplié par 2,8. Les hommes sont 2,5 fois plus nombreux à se suicider. Parmi les pays membres de l’OCDE, les femmes sud-coréennes sont les plus touchées par le suicide avec 19,7 cas sur 100 000 en 2009, un taux 25 fois supérieur à celui de la Grèce. Si les hommes sont davantage concernés par le suicide, la part des femmes reste importante avec 50.7% contre 25% en Angleterre ou 33% en Allemagne. Dans les années 80, ce taux était de 33% en Corée, mais depuis, les problèmes sociétaux ont développé les cas de dépression chez les femmes (trois fois plus) ainsi que leur responsabilité (activité économique, foyer, etc.). Au niveau de l’âge, on entend souvent que les jeunes ont des attitudes de plus en plus suicidaires. Mais la réalité est tout autre. Si le suicide est la première cause de décès chez les jeunes coréens, c’est avant tout parce que les taux des autres causes de décès ont largement été réduits. Pour preuve, le taux de suicide des jeunes est en régression par rapport à celui des années 90. Par contre, les taux ont explosé chez les séniors : de 10.5% à 28.1% pour les plus de 65 ans. Les raisons ? Pas assez de protections sociales de la part de l’Etat et un niveau de pauvreté trop élevé, alors que la société sud-coréenne entre dans l’air du papy-boom.

Au niveau des catégories socio-professionnelles, les taux explosent chez les cadres professionnels hautement diplômés. La part des suicides concernant les diplômés est ainsi passée de 12.9% à 24.4% entre les années 90 et aujourd’hui. Le suicide devient également une cause commune de mort chez les divorcé(e)s (5.7% à 12.8%) et les veufs/veuves. Au niveau de la période, les taux de suicides augmentent à la fin du printemps et pendant l’été. Le mois de mai est ainsi le mois le plus propice aux suicides avec une moyenne de 31,5 par jour, suivi d’avril avec 30,6 suicides par jour, juin avec 29,5 suicides par jour et juillet avec 29,1 suicides par jour. Le mois de janvier est le moins propice avec 20,7 suicides par jour en moyenne. Selon un rapport 2011 du ministère de la santé sur la santé mentale de la population, 16% des Coréens auraient déjà pensé au suicide et 3% auraient tenté de se suicider. La Corée enregistre 108 000 tentatives de suicide en 2011. Selon le ministère, plus de 90% des suicidaires ont des problèmes mentaux, et 60 à 80% souffrent de dépression.

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