La Corée du Sud se cherche une image

06 avril

Société – La Corée du Sud détient une image proche du néant aux yeux du globe. Si Samsung, Hyundai, LG et Kia commencent à être identifiées comme marques d’origine coréenne par les occidentaux (longtemps associéㄷs au Japon, sans que cela ne dérange ces géants au regard des performances nippones entre 1975 et 1995), il ne reste pas grand-chose d’autre à la Corée pour se faire identifier. Il n’y a qu’à poser la question dans votre entourage de non-connaisseurs : « Pour vous, c’est quoi la Corée du Sud ? » Les réponses commenceront par s’arrêter sur la Corée du Nord, un pays avec "un dictateur fou et des gens qui meurent de faim" (résumé fait en gros par les occidentaux), puis, quelques secondes plus tard, ce sera « ah oui, il y a eu une coupe du monde de football avec pleins de supporters en rouge… ou alors c’était au Japon ? » ou quelque chose du genre, pour terminer avec un peu de chances sur un ou deux aspects sportifs/culturels (Park Ji-Sung à Manchester, Kim Yu-Na pour le patinage artistique, le cinéma coréen avec Old Boy ou la K-Pop). Bref, une image proche du néant et rien de vraiment marquant ou symbolisant pour ce pays.

Du coup, aussi étonnant que cela puisse paraître, la Corée du Sud est l’un des seuls pays au monde (sinon le seul) à avoir créé le conseil présidentiel pour la promotion de la nation (PCNB : Presidential Council for Nation Branding). L’objectif de cette organisation créée de toute main par le président Lee Myung-Bak le 22 janvier 2009 est tout simplement de promouvoir l’image de la nation sud-coréenne à travers le monde. L’image du pays doit refléter sa culture, son peuple, ses produits et favoriser le développement économique du pays via des stratégies et des politiques gouvernementales adaptées. Présidé par Lee Bae-Yong, une femme proche du président et mise en avant dans toutes les occasions (comme lors du Sommet de Séoul sur la Sécurité Nucléaire… quel rapport ?), ce conseil a la « lourde » charge de faire parler, en bien, de la Corée et de construire en quelques années une image que tous les grands de ce monde ont construit avec le temps (autrement dit, des siècles et des siècles). Il est vrai que la Corée, du temps, elle n’en a pas vraiment eu. Depuis la fin de la guerre de Corée en 1953, période à laquelle la péninsule était un champs de ruine et un pays aussi "puissant" que les pays les plus pauvres d’Asie et d’Afrique, la Corée du Sud a tout misé sur les industries lourdes puis les nouvelles technologies avant de s’installer sur les 4-5 dernières années entre la 12e et la 15e place parmi les grandes puissances mondiales.

Mais comment vendre ce dynamisme, cette puissance, si personne ne nous connaît au final. Il faut dire que sur les 15 premières nations, la Corée est probablement la moins connue. Qui, dans le monde, n’est pas capable de citer des éléments reflétant l’image des USA (hamburger), de la Chine (copie), du Japon (manga), de l’Allemagne (bière), de la France (romantique), du Brésil (carnaval), du Royaume-Uni (foot), de l’Italie (Colisée), de la Russie (vodka), de l’Inde (bollywood), du Canada (forêt), de l’Espagne (corrida), de l’Australie (opéra de Sydney) ou du Mexique (tacos). Du coup, le conseil de promotion de la nation s’agite, nouant des partenariats avec les grands médias autour du globe, pour montrer au monde à quel point la Corée du Sud est un pays « fantastique » ; en 2010, la BBC publiait par exemple une enquête sur l’image positive de la Corée à l’étranger avec un top 5 composé de la Chine, des Philippines, des USA, du Chili et de l’Indonésie, que des pays où la Corée du Sud a, depuis le début des années 2000 ,tout misé sur la « Vague Coréenne », une vague culturelle associé à la diffusion de téléfilms (Drama) et de musiques (K-Pop) à l’étranger (surtout en Asie). Le premier pays européen est la France et pointe en 15e position.

Vous aurez par conséquent compris pourquoi la K-Pop est prise comme élément de promotion du Pays du Matin Calme (deuxième vague coréenne) depuis un peu plus d’un an dans les pays européens (tournées en Europe de l’Ouest) avec l’aide d’Internet pour diffuser tant que possible tout ce qui est lié aux productions (musicales et télévisées) sud-coréennes. Et une troisième vague est désormais en préparation avec au programme culture ancienne et gastronomie. Mais au niveau local aussi, le gouvernement joue homogénéité et branding. L’ancien maire de Séoul (partie à la fin de l'été 2010) avait par exemple pour volonté de s’inspirer des grandes capitales internationales, n’hésitant pas à nouer des partenariats avec New York ou Paris. C’est par exemple de New York qu’est venue l’idée d’instaurer une couleur unique pour les taxis coréens (orange), comme les Yellow Cab. Sait-on jamais, au cas où le taxi orange puisse symboliser d’une manière ou d’une autre Séoul…

Aujourd’hui, c’est le ministère du territoire, des transports et des affaires maritimes qui s’y met sur la thématique des couleurs : le but serait d’instaurer une politique de coloration des bâtiments et des villes, s’inspirant entre autres de l’île de Santorin pour la Grèce (maison blanche avec toits et portes bleus), ou Heidelberg en Allemagne (toits rouges). Le ministère suggère par exemple huit couleurs pour les toits et 12 couleurs à choisir pour les grandes villes de la péninsule : Gwangju et la province Sud de Jeolla, symbole des énergies vertes, ont choisi un jaune assez chaud, tandis que Gimcheon (Sud-est), ville de l’eau et des transports, préfère le bleu et l’or, et l’île Jeju opte pour le blanc et le noir. Pour le gouvernement, il ne fait aucun doute qu’une attribution de couleurs soulignera le charme esthétique des villes coréennes et développera le tourisme. La question qu’il aurait peut-être fallu se poser avant est : les villes coréennes (voire la Corée du Sud elle-même) sont-elles faites pour attirer les touristes ? Et encore plus en amont, peut-être faudrait-il comprendre l'essence même de ce qu'est l'image d'un pays avant de promouvoir tout (et parfois n'importe quoi) ?

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