UE-Corée : en route vers le libre échange

13 juillet

Suite à l’accord engagé (non ratifié) par les États-Unis et la Corée du Sud en 2008, l’Union européenne (2e destination des exportations coréennes et 1er investisseur au pays du matin calme) a décidé conjointement avec la péninsule sud-coréenne (4e partenaire commercial non-européen de l'Union européenne) de conclure un accord de libre échange, dans l’intérêt de chacun. M. Kim Han-Soo, chef des négociations Coréen, et M. Ignacio Garcia Bercero, chef des négociations pour l’UE, ont commencé les négociations au mois de mai 2007. Retour sur 26 mois de négociations…

Round 1 : Lancement des négociations
A contrario des premières négociations avec les États-Unis qui s’étaient tenues sous une forte opposition de la part de certains groupes de pression, la première rencontre UE-Corée du mois de mai 2007 s’est dér
oulée dans de bonnes conditions et a permis de fixer, dans un premier temps, les bases d’un futur accord et les secteurs prioritaires à aborder lors de prochaines négociations. L’Union européenne, du fait de son importance économique en Corée, avait alors pour objectif de signer un accord aussi large et ambitieux que possible pour faire progresser significativement les échanges commerciaux entre les deux partenaires. Dès ce premier round, les suppressions de barrières tarifaires sont évoquées concernant 95% des produits de consommation et produits industriels sur les dix prochaines années, la Corée conservant toujours des barrières moyennes plus élevées que l’Europe (11,2% contre 4,2%).

Round 2 : Sectorisation et premières oppositions
La deuxième session qui se tient à Bruxelles en juillet permet d’avancer sérieusement sur de nombreux secteurs : biens de consommations courantes et biens industriels, services et investissements, droits sur la propriété intellectuelle (avec la question des brevets), concurrence et apports gouvernementaux. Cependant, l’Union européenne réclame à la Corée de faire plus d’efforts et de meilleures offres pour faire avancer le dialogue et les négociations sur l’accord, alors que le chef des négociations Coréen se dit satisfait de l’avancée des discussions.

Round 3 : Mise au point et prise de confiance
Pour la troisième rencontre, M. Kim Han-Soo se dit optimiste pour la suite des négociations concernant les barrières tarifaires, malgré des blocages continus et des difficultés à traiter des barrières tarifaires entre les deux parties. L’Union européenne s’attache à éliminer dans leur totalité les barrières douanières sur les produits d’importation coréenne dans les sept prochaines années, dont 80% dans les trois années suivant l’accord. De son côté, la Corée s’engage à éliminer dans les trois ans les barrières sur les biens industriels, exceptés quelques cas particuliers, et à faire de même sur 68% des biens importés en provenance d’Europe (contre 63% énoncé lors de précédentes discussions). Pour M. Bercero, il faut que les deux parties se règlent sur le même niveau de négociation et prévient que sur les prochains rounds, les négociations se feront secteur par secteur et non sur un plan macro-économique, de sorte que l’UE et la Corée puisse cerner de manière plus précise les enjeux de cet accord. Tout comme son homologue Coréen, M. Bercero pense alors qu’il est possible d’arriver à conclure les négociations avant fin 2007, mais préfère à cet instant se concentrer sur la qualité de l’accord plutôt que de se précipiter à finaliser les discussions.

Round 4 : L'automobile au cœur de la discorde
Malgré des progrès sur différents secteur d’activité, le quatrième tour des négociations en octobre 2007 débouche sur des discussions stériles concernant ce qui va devenir la grande problématique de ces négociations jusqu'à aujourd'hui, le secteur de l’industrie automobile. L’Union européenne souhaite en effet que Séoul propose les mêmes barrières tarifaires que la Corée a offertes aux États-Unis lors des négociations pour leur accord de libre échange. Séoul le voit d'un autre œil, souhaitant profiter de l'ouverture de l'Europe pour envahir le marché de l'automobile avec des coûts extrêmement bas (pièces importées de Chine, élimination des barrières tarifaires, etc.).

Round 5 : Tout avance excepté l'automobile
Lors du cinquième round de novembre 2007, la Corée et l’Union européenne discutent principalement des barrières tarifaires et non-tarifaires sur les biens de consommation et de production, le dédouanement, les normes de base, les barrières technologiques, les services financiers et les droits sur la propriété intellectuelle. Au cours de ces discussions, la Corée du Sud demande énormément à l’UE concernant l’élimination des barrières sur l’automobile et les produits électriques et électroniques. La délégation représentant le bloc Europe sort de cette cinquième rencontre plutôt tendue par l'attitude de la Corée du Sud.

Round 6 : Abstraction de l'automobile
Le sixième round a lieu à Séoul en janvier 2008. Pour continuer à progresser dans les négociations, les deux parties se sont entendues pour ne pas évoquer cette fois-ci les questions faisant débat sur l’industrie automobile. De cette manière, l’Union européenne et la Corée du Sud font des progrès conséquents dans leurs discussions, parvenant ainsi à des accords dans de nombreux secteurs : les mécanismes pour la réglementation des différends entre les deux parties, la transparence dans les échanges commerciaux, le commerce électronique, la concurrence et le développement durable. Concernant les droits sur la propriété intellectuelle qui opposaient l’UE et la Corée lors des précédentes négociations, plusieurs ententes ont été trouvées. Certains secteurs nécessitent à cette période toujours des discussions pour arriver à des accords et c’est dans ce cadre que des rencontres intersessions sont organisées entre Peter Mandelson, Commissaire au commerce de la Commission européenne, et Kim Jong-Hoon (ci-contre), ministre du commerce coréen ; une manière d’atteindre plus rapidement l’objectif de signer un accord avant la fin de l’année 2008.

Round 7 : Les points sensibles se règlent petit à petit
Le septième round de mai 2008 permet aux deux parties de s’entendre sur des points sensibles, dont les règles d’origine qui sont nécessaires pour la mise en œuvre d’instruments de politique commerciale comme les droits antidumping (que les chaebols craignaient tant au début des années 90) ou encore le marquage de l’origine. En se basant sur les progrès réalisés lors de ces discussions, le négociateur européen Bercero estime que les négociations seront très certainement conclues dans le courant de l’année 2008 et indique que les deux parties se sont mises d’accord pour accélérer le processus de sorte que la signature se fasse le plus tôt possible. Un dernier point sensible n’est cependant toujours pas réglé à savoir les barrières non-tarifaires principalement pour le secteur de l’automobile. Mais les chefs négociateurs savent et indiquent que des prochaines discussions entre les deux parties permettront d’avancer.

Round 8 : Dernier round et beaucoup de questions
Le huitième round va mettre beaucoup de temps à se mettre en place, car les deux parties veulent faire de ce round le dernier avant la conclusion des négociations et la signature de l'accord. En octobre 2008, Catherine Ashton remplace Peter Mandelson (ci-contre) au poste de Commissaire européen au commerce. Les 23 et 24 mars 2009, les deux parties organisent le dernier round des négociations. A cet instant, les deux parties ont d'ores et déjà convenu de supprimer de manière immédiate ou progressive les tarifs douaniers sur 96% des produits européens concernés et 99% des produits sud-coréens d'ici 3 ans. Concernant le dossier sensible de l'automobile, Europe et Corée ont accepté de supprimer les tarifs douaniers sur les véhicules d'une cylindrée supérieure à 2,5 litres dans les trois prochaines années suivant la signature de l'accord. Pour les véhicules de moindre cylindrée, les tarifs douaniers seraient supprimés dans les cinq ans. L'UE et la Corée du Sud souhaite alors passer à la vitesse supérieure en annonçant la finalisation des négociations et la signature de l'accord le 2 avril 2009, lors du G-20 à Londre en présence du président Lee Myung-Bak.

Les négociations remises en question
Alors que tout le monde attendait une signature au début du mois de mai, un projet d'accord ayant été signé lors du dernier round, les chefs des négociations échouent à conclure l'accord de libre échange, n'arrivant pas à surmonter les derniers obstacles. À travers une déclaration commune, Corée et Europe annoncent que des consultations internes vont avoir lieu pour décider de l'avenir à donner à cet accord de libre échange.

13 juillet 2009 : Conclusion d'un accord de libre échange UE-Corée du Sud
Après de multiples rencontres bilatérales, des discussions internes à Bruxelles et à Séoul, des négociations avec l'ACEA (Association des constructeurs européens d'automobiles), principale association de lobbying politique auprès de la Comission européenne et du parlement européen en faveur de l'industrie automobile européenne, le président de Corée du Sud Lee Myung-Bak, lors d'une visite de 6 jours en Europe, et le premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt (la Suède a pris la présidence de l'Union européenne pour le second semestre 2009) se sont félicités le 13 juillet de la conclusion des négociations et "espèrent que l'accord sera mis en œuvre rapidement". L'accord final devrait, d'après les experts, être initialisé dans le courant du mois de septembre, la signature officielle pourrait avoir lieu au mois de février 2010 et la ratification par le parlement coréen dans le courant du premier semestre. La visite du président Français Nicolas Sarkozy prévue en 2010 pourrait alors accélérer le processus de ratification, surtout lorsque l'on constate que l'accord de libre échange signé entre les États-Unis et la Corée du Sud n'a toujours pas été ratifié, les négociations ayant repris depuis la nouvelle présidence de Barack Obama...

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