Tunisie, Egypte, Libye… Corée du Nord ?

23 février

La colère est née en Tunisie poussant le président Ben Ali à quitter le pouvoir. Elle s’est répandue en Afrique du Nord avec l’Egypte et le départ le 11 février de Hosni Mubarak. Le Yémen a connu des heurts violents et la Libye n’a pas tardé à suivre avec un Kadhafi ébranlé. Les peuples se lèvent contre ce qu’ils considèrent des dictatures et ça se déplace vers l'Asie. Les échos se font ressentir doucement dans certains pays comme au Bahreïn ou dans une moinde mesure en Chine. Les manifestations y sont plutôt bien maîtrisées pour le moment ne faisant craindre rien d’inquiétant. Mais qu’en est-il de la dictature la plus enclavée de la planète, la Corée du Nord ? Il semblerait que le pays bouillonne actuellement, mais pas pour les mêmes raisons. Selon les médias d’Asie du Nord-est, des manifestations se seraient tenues le 14 février, deux jours avant l’anniversaire du grand leader, dans les villes de Jongju, Yongchon et Sonchon dans la province au Nord de Pyongyang. La raison : nourriture et électricité. Une source nord-coréenne rapporte qu’un ou deux habitants ont sorti des porte-voix pour y crier « Nous ne pouvons plus vivre ! Donnez-nous du feu ! Donnez-nous du riz ! », rassemblant rapidement autour d’eux une bonne partie des villageois. Dans l'incapacité d’identifier les personnes qui ont lancé le mouvement, les autorités auraient préféré répondre par un froid silence. Un phénomène rare en Corée où la dénonciation était la meilleure façon de s’en sortir à bon compte. Désormais, ils se couvrent les uns les autres. La colère peut après tout se comprendre. Le gouvernement a décidé de décharger les villes autour de Pyongyang en électricité afin d’éclairer de mille feux la capitale nord-coréenne pour les 70 ans du père Kim (69 ans pour certains). Les villes de Jongju et Yongchon sont les plus sensibles en Corée du Nord. En avril 2004, une bombe avait explosé juste après le passage du train de Kim Jong-Il. Les habitants n’y craignent pas les représailles.

La situation semble relativement délicate actuellement au Nord du 38e parallèle. Le récent appel fait par Pyongyang à l’Organisation des Nations Unies pour nourrir son peuple montre bien qu’en ce moment, tout ne roule pas comme sur des roulettes. A l’heure actuelle, des experts de l’organisation internationale sont sur place pour évaluer les dégâts dus à la famine et estimer l’aide nécessaire pour ce pays de 24 millions d’habitants. Selon les spécialistes, Pyongyang ne pourrait nourrir que 20% de la population, le reste se débrouillant en faisant du business avec la Chine et surtout en opérant un marché noir. Le pouvoir n’a pas le choix. S’il casse les canaux de distribution souterrains, les manifestations éclateront. Le « Black Market » doit faire partie de l’économie nord-coréenne, sans quoi le pays serait fragilisé. Le manque d’aide de la part du Sud joue forcément un rôle. Les deux précédents gouvernements avaient autorisé l’envoi total de 500 000 tonnes de nourritures et 300 000 tonnes d’engrais. Lee Myung-Bak a décidé de limiter les aides, provoquant au passage quelques conflits sanglants (essai nucléaire, torpillage de bateau, bombardement terrestre, etc.). Selon Kim Sung-Min, un transfuge nord-coréen de la radio FNKR, préciser que « le gouvernement sud-coréen estime à 1,4 millions de soldats et 2,6 millions d’habitants de Pyongyang le nombre de personnes ayant accès aux rations de nourritures, le « Cher Leader » ne sachant que faire pour le reste ».

Mais revenons à nos moutons. La Corée du Nord peut-elle s'effondrer dans la même verve que les puissances du Moyen Orient et d’Afrique du Nord ? On sait à quel point la dictature communiste et l’Egypte sont liées. On sait également que ce qu’il se passe en Libye, où Kadhafi tenait d’une main ferme le pays comme le « Brelan Kim » (Il-Sung, Jong-Il et Jong-Un) a tenu jusqu'à présent la Corée du Nord, pourrait inquiéter les autorités de Pyongyang si le régime venait à être renversé. La seule différence, c’est que les mouvements qui ont renversé les dictatures depuis le début de l’année se sont lancés grâce à l’Internet et les réseaux sociaux. En Corée du Nord, ces mots n’existent pas. Ou du moins quasiment pas. Seuls les hauts-placés y ont accès. Mais l’accès à l’information par les autorités nord-coréennes a déjà été digéré… par les Chinois. Le site KCNA, premier site d’information sur la Corée du Nord, rapporte que les informations sur ce qu’il se passe actuellement dans le monde étaient filtrées par la Chine avant d’être déversées sur l’Internet nord-coréen. Le 15 février, Internet est comparé à un « virus du diable qui affecte les psychologies des internautes, désinformant l’opinion publique », dans un éditorial du Chinese People’s Daily. Une seconde information est accessible le 20 février décrivant que « la Chine mène des campagnes pour éviter le déploiement de toute information vulgaire ou érotique sur Internet et les téléphones mobiles […] afin de créer une culture harmonieuse et aider les plus jeunes à se trouver dans de bonnes conditions mentales ». Et le lendemain, un nouveau message était disponible sur la toile nord-coréenne relatant l’action prise par la Chine envers la volonté des USA de créer un fond de 30 milliards de dollars pour la liberté sur Internet : « La position du gouvernement chinois est telle que la liberté de l’Internet est garantie par la loi du pays et que les USA feraient bien d’éviter de mettre leur nez dans les affaires des Chinois en termes d’accès à Internet ». Bref, des messages censés rassurés les diplomates nord-coréens en montrant que la Chine maîtrise parfaitement son sujet et qu’elle serait un support de premier plan. Le titre de l’article du journal chinois paru en ligne « Commentary : The Internet belongs to all, not just the US » montre à quel point les USA feraient bien de se calmer. Au regard de ce contrôle ultra-poussé de l’Internet, la Corée du Nord ne connaîtra vraisemblablement pas de mouvements tels que nous voyons en Afrique du Nord. A moins que la faim prenne le dessus et que 20 millions de nord-coréens trouvent un moyen de se soulever en même temps contre Kim Jong-Il et son fils…

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