Mais que fait Séoul face à la pollution ?

05 mars


Ce n'est pas le premier article de Bienvenue en Corée du Sud sur le thème de la pollution. Mais à première vue, ce ne sera pas le dernier non plus. Alors que les particules fines et ultra-fines recouvrent la partie ouest de la péninsule, forçant le gouvernement à envoyer une alerte à tous les Coréens par SMS leur demandant de confiner tant que possible les enfants et les personnes âgées (les plus concernées), les médias locaux titrent : La poussière fine devient la « nouvelle normalité » dans la vie quotidienne !

C'est sûr qu'à force de titrer "la pollution vient de Chine" et "la Corée du Sud met tout en oeuvre pour limiter la pollution d'origine locale" et au final de ne voir que rien ne bouge, il ne reste plus qu'une solution : vivre avec.

Personne ne semble chercher de vraies solutions et il semble que désormais, la population se soit fait une raison. Une phrase pourrait facilement être empruntée au président Nicolas Sarkozy pour l'appliquer à la Corée du Sud : La Corée polluée, tu l'aimes ou tu la quittes.


Vous sortez dans la rue aujourd'hui et vous verrez la majorité des passants porter des masques. On se croirait dans un film apocalyptique. Le niveau des particules PM 2.5 dites ultra-fines (qui atteignent les voies respiratoires) atteint des records : depuis 14 jours (du 20 février au 5 mars), le niveau est qualifié de "mauvais" soit au-dessus des 35 microgrammes par mètre cube, hormis le 26 février avec un niveau de 28 microgrammes.

Au-dessus des 75, c'est un niveau très mauvais selon l'indice du gouvernement local. Et au-delà de 100, ça devient dangereux. À l'heure où cet article est écrit, le niveau des particules fines (PM10) est de 217 et celui des particules ultra-fines (PM2.5) est de 153 (selon l'IQA US, l'index de la qualité de l'air américain). Des indices que vous connaissez certainement à travers vos applications (Air Visual, Air Korea, Plume, etc.) et les articles de presse ou de ce site sur le sujet. L'OMS (Organisation mondiale de la santé) recommande aux pays un niveau inférieur à 25 microgrammes...

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Alors pour le gouvernement, c'est l'alerte générale : depuis son implémentation en janvier 2017, c'est la première fois que l'urgence pollution est mise en place pendant plus de 5 jours de suite (la dernière fois, cela avait duré cinq jours... et c'était déjà cette année, du 11 au 15 janvier). Cela ne signifie cependant pas que la Corée du Sud n'a jamais connu plus de 5 jours de pollution intense comme nous le vivons actuellement. Car l'alerte est donnée quand ils le désirent.

Les prévisions sont très mauvaises : les météorologistes expliquent que cette pollution est causée par des anticyclones migrateurs consécutifs car ils provoquent une stagnation de l'air et un afflux e particules de poussières fines provenant de l'extérieur du pays. Et à première vue, sans vent fort, sans températures plus fraîches et sans pluie, il sera difficile pour la Corée du Sud de se débarrasser de cette pollution.

Pire encore, l'agence météorologique a annoncé que les nuages de poussières jaunes en provenance de Mongolie et de Chine seraient plus forts que d'habitude durant le printemps. Les politiques, comme à leur habitude, annoncent prendre le problème à bras le corps.


(gauche) Niveau de pollution aujourd'hui à midi à Mapo
(droite) Graphique avec le niveau de pollution entre dimanche 3 mars et mardi 5 mars

À chaque pic de pollution, ils sont atteint d'une grave crise de réunionites (réunions entre membres du gouvernement, gouvernements locaux, gouvernements métropolitains, etc.). Mais toujours sans solution au bout à part mettre en place des systèmes d'alerte, faire une circulation alternée des véhicules et bloquer quelques vieux véhicules et camions à l'entrée de Séoul.



Le problème, c'est le charbon.

Un indice : peut-être faudrait-il se tourner vers les importations de charbons ? L'année dernière, pas moins de 131,52 millions de tonnes de charbons ont été importées en Corée du Sud, un niveau record pour la deuxième année consécutive ! C'est une augmentation de 11% par rapport à 2016. En valeur, ce sont pas moins de 14,65 milliards de dollars (+8.7% par rapport à 2017) et le plus haut niveau depuis 2012.


Ça grimpe sans cesse alors que le prix de la tonne de charbon a explosé et que ce n'est désormais plus une source d'énergie rentable. Alors que le prix moyen à l'importation de la tonne de charbon était à 68,95 dollars en 2016, elle est désormais de 111,41 dollars, soit une augmentation de +60% ! Des données qui remettent complètement en cause les efforts annoncés du gouvernement pour remplacer la production d'électricité en passant du charbon au ressources énergétiques plus propres.

Parmi les mesures gouvernementales servant à lutter localement contre la pollution, il y a l'arrêt temporaire ou la limitation du fonctionnement des centrales à charbon. Mais lorsque l'on sait que d'ici 2022, de nouvelles centrales en construction aujourd'hui seront sur pieds, le pays n'aura d'autres choix que de poursuivre les importations massives de charbon.

Alors que la pollution est désormais un problème social, le gouvernement n'est pas en mesure d'abaisser le niveau de production de l'électricité issu des centrales à charbon.


Et comme le gouvernement ne prend pas de mesures fortes et que les importateurs sont dans le viseur de la pollution, ils cherchent des solutions, comme favoriser les importations de charbon thermique à faible teneur en soufre (jusqu'à 1%), un charbon qui émet moins de particules fines. Du charbon produit massivement en Russie. Du coup, les importations de charbon thermique russe ont augmenté de 12% entre 2017 et 2018 pour atteindre 20,9 millions de tonnes.

Une tendance qui devrait se poursuivre cette année selon les industriels locaux. Les importations de Russie ont commencé à exploser entre août et novembre dernier, lorsque le gouvernement a imposé des limites aux importations de produits à haute teneur en soufre.

Dans l'autre sens, c'est l'Australie et l'Indonésie, principaux fournisseurs de la Corée, qui ont vu leurs exportations de charbon être réduites. La Russie bétonne sa troisième place en tant que fournisseur en charbon en Corée du Sud avec 18% du marché (2 points de plus qu'en 2017).



L'avenir, c'est la Chine. La Corée du Sud doit arrêter de se plaindre et agir.

Pendant ce temps, "Aucun pays n'est dans une aussi bonne position que la Chine pour devenir la nouvelle super-puissance des énergies renouvelables dans le monde" annonce un rapport de la Commission globale sur la géopolitique de la transformation énergétique, présidé par l'ancien président Islandais Olafur Grimsson.

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C'est en 2005 que la Chine a commencé à se rendre compte du chemin à parcourir pour réduire sa pollution avec des études et des rapports, nationaux et internationaux, parus un peu partout. Lors du comité environnemental de l'Assemblée nationale populaire de 2005, les experts ont constaté que la production et la consommation d'énergies fossiles était à l'origine de 90% des émissions de dioxyde de soufre dans le pays.

En 2012, RAND Corporation estimait le coût de la pollution de l'air à 535 milliards de dollars pour la Chine soit 6.5% de son PIB et une étude de l'université de Californie à Berkeley concluait que la pollution de l'air était à l'origine de 1,6 millions de morts dont 17% rien qu'en Chine. En 2013, la banque de développement asiatique et l'université de Tsinghua rapportaient que 7 villes chinoises faisaient parties des 10 villes les plus polluées du monde.

L'université de Chicago rapportait également que les particules en suspension avaient réduit de 5 années l'espérance de vie de 500 millions de chinois habitant dans la région nord du pays. En 2015, les chinois estimaient que la pollution était le deuxième plus grand souci de la Chine, juste derrière.... la corruption du gouvernement.

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Bref. En 2016, l'empire du milieu a lancé son 13ème plan quinquennale pour l'électricité (2016-2020) visant à augmenter la part des énergies non-fossiles dans la production totale d'électricité de 35 à 39% d'ici 2020. D'ici 2030, un cinquième de la consommation d'électricité chinoise devrait venir de sources non-fossiles.

Selon l'agence internationale de l'énergie, dans les cinq prochaines années, 36% de la croissance mondiale en énergie solaire et 40% dans les éoliennes proviendront de Chine. La Chine investit : d'ici 2020, le pays va dépenser plus de 360 milliards de dollars pour développer le secteur des énergies renouvelables et créer ainsi 13 millions d'emplois.

Sur le gaz naturel liquéfié (GNL ou LNG en anglais), la Chine a enregistré des importations records. En novembre 2018, elles atteignaient 5,99 millions de tonnes métriques soit une augmentation de 48.5% par rapport à novembre 2017. Sur les 11 premiers mois, c'est un total de 47,52 millions de tonnes (+43.6% par rapport aux 11 premiers mois de 2017). C'est la deuxième année consécutive que la croissance des importations de GNL dépasse la barre des 40%.


La Chine sera le nouveau leader des énergies renouvelables pour deux raisons. La première est écologique : en devenant un leader écologique, la communauté internationale aura tout intérêt à porter un regard positif sur la Chine qui pourra alors poursuivre son développement en termes d'investissements technologiques à l'étranger.

En tant que premier producteur de gaz à effets de serre, la transition énergétique de la Chine en termes de production et de consommation est cruciale pour tenir sa promesse de réduction des gaz d'ici à 2030.

La deuxième raison est stratégique : en établissant une mixité énergétique basée sur les ressources renouvelables pour sa consommation d'électricité, la Chine ne sera plus dépendante de régions instables en matière de sécurité énergétique (les pays producteurs d'énergies fossiles qui demandent en échange une protection militaire). Cela avait par exemple poussé la Chine à installer sa première base navale étrangère l'année dernière à Djibouti.


Et avec le départ des américains (Donald Trump) de l'accord de Paris sur le climat en juin 2018, la voie est libre pour la Chine qui avait critiqué l'attitude de Washington et réaffirmé son engagement en termes de réduction des émissions. Cela a provoqué une sorte de soutien économique et politique accru pour faire de la Chine le nouveau leader du secteur. L'Union européenne a par exemple déjà commencé à forger une alliance avec la Chine afin de mettre sur pied l'accord de Paris.



Conclusion

Ce n'est pas avec deux ou trois mesures ici et là que la Corée du Sud peut combattre la pollution. La Chine est certes responsable d'une partie des particules fines et ultra-fines qui recouvrent la péninsule (30%, 50%, 70% selon les périodes de l'année et les vents), mais de son côté, elle met les bouchées doubles pour limiter les émissions de gaz à effets de serre.


Le printemps s'annonce terrible pour la Corée du Sud. Personne ne sait dire quand est-ce que le niveau actuel de la pollution redescendra, plongeant toute la nation dans un brouillard épais. Les familles se cloîtrent tant que possible alors que les températures remontent et que chacun rêve de sortir avec ses enfants dans les parcs ou aller boire une bière en terrasse. Et avec les sables jaunes en approche, tout le monde va insulter la Chine encore une fois...

Mais si localement le pays ne fait rien, alors il y a fort à parier que le déclin de la population annoncé en 2021 va s'accélérer d'ici 10 ou 20 ans avec un nombre incroyable de personnes atteintes de cancer de la gorge ou des poumons.

* Articles à lire :
- 14 janvier 2019 :  Pollution en Corée du Sud : alerte générale !
- 29 novembre 2018 : Un hiver qui s'annonce rude
- 27 novembre 2018 : Pollution exceptionnelle sur la Corée du Sud
- 7 novembre 2018 : Pollution : Toujours pas de sortie de secours
- 16 mai 2018 : La dépollution du pays en marche

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